Dans la nuit du premier au deux avril 1944, Victor Kravchenko,
dignitaire soviétique et membre de la commission d'achat
soviétique à Washington, s'enfuit de la maison
qui l'a hébergé à Washington et demande
l'asile politique aux USA. L'événement défraye
la chronique.
Son Curriculum Vitae est impressionnant : capitaine de l'Armée
rouge, il dirigeait avant de partir aux USA un grand consortium
industriel à Moscou. Il avait auparavant été
attaché, en qualité de chef de la section des
munitions , au soviet des commissaires du peuple de la république
socialiste soviétique fédérée
de Russie, la plus importante des républiques de l'URSS.
Membre du PC soviétique depuis 1929, il avait occupé
plusieurs emplois importants dans le domaine économique.
Comment un haut fonctionnaire du phare du communisme a pu
oser l'impensable ?
Si Kravchenko rompt avec le régime de son pays et
y renonce par un exil forcé sans espoir de retour,
c'est en toute lucidité, et après avoir mûrement
réfléchi. Pour lui, c'est une mission, au risque
de laisser sa famille entre les mains des bourreaux du NKVD.
Il avait informé de son projet son vieux père,
ancien ouvrier révolutionnaire jeté en prison
par la police du Tsar Nicolas II. Celui-ci l'avait encouragé
malgré les rétorsions physiques qu'il pouvait
encourir lui et sa femme.
Victor Kravchenko, nourrit de sa haine du communisme attendit
donc le moment propice. Il tenait à témoigner
des abominations accomplies en URSS. Sa vie en tant que haut
fonctionnaire, lui fournirait matière : il avait tellement
vu et entendu d'horreurs sur les exactions commises.Il avait
pris sa décision : tout ce qu'il savait, il l'écrirait
dans un livre qui serait l'histoire de sa vie.
De mai à juin 1944, il s'enferme dans un hôtel
pour travailler jour et nuit à son ouvrage.Un énorme
manuscrit en langue russe voit le jour dont 500 à 600
pages seront traduites.
En février 1946 l'ouvrage sort en Anglais chez Scribner's
" I choose freedom, J'ai choisi la liberté ! "
En novembre 1946 un jeune éditeur français,
Jean de Kerdeland, assiste à Paris à un grand
dîner où un important armateur français
marseillais lui raconte que l'ouvrage de Kravchenko rencontre
un succès immense aux USA et dont le tirage vient de
dépasser les deux millions d'exemplaires.
L'armateur lui tend un exemplaire du livre en anglais. Jean
de Kerdeland est rapidement conquis, il décide à
tout prix de publier l'ouvrage en France. Pendant de longs
jours il tente vainement de contacter Kravchenko aux USA.
Il décide finalement de partir pour les USA pour rencontrer
Kravchenko. Par prudence il prend le pseudonyme d'Alex Martin
( nous sommes en pleine guerre froide !). Il se présente
chez Scribner's où on lui apprend avec surprise que
Victor Kravchenko a changé aussi de nom et il s'appelle
Peter Martin !
Les deux Martins se rencontrent dans une arrière salle
d'un bar du New Jersey. L'entente est bonne et Jean Kerdeland
repart à Paris avec un contrat signé.
Ne trouvant point de traducteur pour abattre l'immense travail,
il entreprend lui même la traduction de l'ouvrage, jour
et nuits pendant cinq semaines. Cet épuisant travail
à son domicile était souvent entrecoupé
d'injures et de menaces de mort téléphoniques.
Ce qui ne l'a pas découragé. Les communistes
français "flairaient déjà le coup".
Enfin le premier mai 1947 la première édition
européenne de "Jj'ai choisi la liberté" voit
le jour avec comme sous titre "La vie publique et privée
d'un haut fonctionnaire soviétique". Le succès
est immense, de 1947 à 1955, le tirage va atteindre
503 000 exemplaires.
Livre à contre courant au moment de sa publication
en France ? : Le PCF représente 28.6 % des voix, quatre
de ses membres siègent au gouvernement. Le prestige
des communistes est immense, symbole de la Résistance.
Attaquer le PCF, c'est attaquer la Résistance ! Un
pavé dans la mare ? Non le livre vient à point.
L'Europe commence à se désolidariser de l'URSS
: Churchill dénonce "le rideau de fer" qui s'est abattu
sur l'Europe, Tito tient tête à Staline avec
sa démocratie populaire de Yougoslavie. Les américains
cassent le blocus de Berlin imposé par Staline par
un pont aérien, le socialiste Ramadier chasse les communistes
du gouvernement.
Un certain nombre d'ouvrages d'avant guerre avaient déjà
tenté de dénoncer les exactions du communisme
en URSS, mais ils étaient souvent rédigés
par des Russes en exil ou des écrivains de droite.
Ce qui diminuait leur crédibilité, d'autant
plus qu'ils suscitaient la polémique. Les Français
les avaient accueillis avec beaucoup de réserves, les
considérant d'avantage comme des écrits oppositionnels
plutôt que des témoignages.
Avec Kravchenko, tout change. On voit un homme ordinaire
décrire de manière simple et familière
sa vie de tous les jours, enracinant sa crédibilité.
Il raconte son embrigadement dans la révolution et
son entrée au parti en 1929, sa vie familiale, ses
maîtresses, toute sa vie intime y passe. Il est sélectionné
pour être étudiant et s'entasse avec quatre autres
camarades dans des chambres insalubres à l'institut
technologique de Kharkov. Sans manger à sa faim, il
est sous la surveillance du GPU. Il est saisi d'horreur en
visitant un conglomérat métallurgique observant
que les ouvriers vivent dans des conditions effroyables, sous
payés et affamés sans pouvoir protester. Car
le GPU est impitoyable et extermine tous les opposants. Il
s'en va dénoncer à Moscou ces conditions : les
hauts fonctionnaires marquent leur impuissance et Kravchenko
ne reçoit comme résultat que des billets pour
le théâtre et mille roubles d'argent de poche.
Il raconte les déportations des "koulaks" ou paysans
riches qui refusent d'abandonner leurs terres pour les kolkhozes,
entassés dans des wagons à bestiaux, pleins
à craquer où l'on meurt de faim et de soif.
Il décrit la "terreur au village", la famine organisée
en Ukraine pour éliminer tous les récalcitrants
à la collectivisation des terres.
En novembre 1936 il devient lui même victime des purges,
mais son talent d'orateur le tire miraculeusement de cette
épreuve qui aurait pu le mener tout droit au peloton
d'exécution ou au mieux, au goulag sibérien.
Il gravit les échelons et paradoxalement s'éloigne
de plus en plus de l'orthodoxie communiste qu'il apprend à
haïr. Il devient ingénieur en chef, directeur
d'usine, dirigeant de trust métallurgiste, adjoint
au Conseil des commissaires du peuple de la République
soviétique de Russie. Il est à la tête
de milliers d'ouvriers, côtoie les amis de Staline,
travaille même dans l'enceinte du Kremlin. Puissant
d'entre les puissants, il reste sous l'oeil implacable du
NKVD qui a succédé au GPU. Il constate avec
effroi que les gouverneurs d'hier sont les traîtres
d'aujourd'hui, torturés dans les caves de la Loubianka
(le triste célèbre siège du NKVD), il
perçoit les gémissements de ceux qui demandent
le pardon à Staline. La Russie n'est plus qu'un empire
de la peur...
Nouvelle surprise pour Kravchenko lorsqu'il devient interdit
de critiquer les nazis et les fascistes depuis la signature
du traité germano-soviétique avec le nouvel
ami de Staline, Adolf Hitler. Il s'en ait fallu de peu pour
l'empire de Staline, lorsqu'en juin 41 les divisions d'Hitler
s'emparent de deux millions de km carré du territoire
soviétique. Tous les rouages de l'administration, de
la production industrielle et de l'armée avaient été
décapités par les purges absurdes. De 1936 à
1938 35 000 officiers sont exécutés, laissant
l'Armée rouge en 41, reculer, dans un lamentable spectacle.
Maintenant Victor Kravchenko a basculé, il a pris
en horreur le communisme. Et lorsqu'on lui propose de partir
aux USA pour se mettre au service de la commission d'achat
de son pays, il saute sur l'occasion avec un bonheur mal dissimulé.
Le succès du livre en France est tel, qu'il reçoit
deux mois après sa publication le prix Sainte-Beuve.
Mais dès sa mise en vente, les critiques de la Gauche
se sont déchaînées : l'ouvrage est un
véritable brûlot, remettant en cause le dogme
"du paradis rouge".
Le Monde avec André Pierre, engage l'attaque : «J'avoue
que je n'aime pas la race des apostats et des renégats».
Mais le 13 novembre 1947, les Lettres Françaises écrivent
un article à sensation intitulé «Comment
fut fabriqué Kravchenko» et signé par un
certain Sim Thomas.
Fondée dans la Résistance par un professeur
de lycée fusillé par les Allemands, Jacques
Decour, les Lettres Françaises sont en fait après
guerre noyautées par les communistes avec à
leur tête Aragon. Elles sont dirigées par Claude
Morgan et André Wursmer. Quand à Sim Thomas,
il serait un journaliste américain qui aurait saisit
des informations de la bouche d'un des membres de l'OSS ancêtre
de la CIA. Kravchenko, espion américain aurait ainsi
reçu l'ordre par ses supérieurs d'écrire
un livre de propagande antisoviétique. Quelques ignobles
anecdotes sur Kravchenko, complète ce tissu de mensonges
: on apprend que «Kravchenko est un illettré,
un ivrogne, un escroc, un débile mental, un débauché,
qu'il a fabriqué en URSS de faux états de rendement
pour toucher des primes, et qu'il a vendu sa signature aux
services spéciaux américains pour payer ses
dettes». Rien que ça ! Ainsi toute une série
d'articles diffamatoires et virulents vont affirmer jusqu'au
printemps 1948, que Kravchenko n'était qu'un faussaire
et un espion à la solde des USA.
Quand du nouveau monde, Victor Kravchenko apprend la nouvelle
de l'attaque qu'il vient de subir à Paris, il est extrêmement
surpris. Il n'a jamais entendu parler de Sim Thomas. Après
consultation, nul ne connaît de journaliste Sim Thomas
aux USA !
On somme les Lettres Françaises de fournir des renseignements
sur ce Thomas, mais elles se dérobent.
On apprendra trente ans plus tard dans les mémoires
publiés de Claude Morgan, que l'article de Sim Thomas
lui avait été apporté par André
Ullmann, son véritable auteur !
Kravchenko avait subi de multiples attaques aux USA et qu'il
a négligées. Alors pourquoi s'intéresser
à ce journal français ? Peut être touché
dans son amour propre, et conscient que la France constitue
un enjeu essentiel de la guerre froide, Kravchenko se décide.
Il ira à Paris défendre sa cause. Il poursuit
pour diffamation les Lettres Françaises en les personnes
de Claude Morgan et André Wurmser. Il contacte son
agent littéraire français, Gérard Boutelleau
qui s'enchante des perspectives qui s'ouvrent. Celui ci se
charge de trouver les témoins pour conforter le récit
de Kravchenko. Des avis sont publiés à travers
toute l'Europe occidentale dans les journaux russes et ukrainiens.
5000 réponses lui parviennent, qui achèvent
de décider Kravchenko de partir en bataille. Les témoins
sont triés, et le 9 janvier 1949 Kravchenko se pose
à l'aéroport de Paris.
Son avocat maître Izard déclare à la
presse en son nom : «Je suis venu en France pour me battre
et j'attend que mes adversaires acceptent le combat».
Lors d'une conférence de presse tenue à son
hôtel il déclare en anglais qu' «il a voulu
que son procès se déroule dans un pays du monde
libre». Le personnage, brillant orateur, intelligent,
de haute stature, séduit. Les journalistes sont persuadés
de sa bonne foi. De leur côté les lettres françaises
par l'intermédiaire d'André Wurmser rédacteur
en chef, organisent une contre conférence de presse
: le journaliste Sim Thomas existe et il n'y a pas de camp
de concentration en Russie.
Le ton est posé, les protagonistes sont en place.
Le 24 janvier 1949 s'ouvre devant la 17eme chambre correctionnelle
de la Seine, le procès retentissant qui oppose Victor
Kravchenko et les Lettres
Françaises. La salle d'audience est comble. L'enjeu
est d'une portée politique importante à l'époque.
Pour les communistes, il n'est pas question d'admettre un
quelconque totalitarisme en URSS, pour Kravchenko, il s'agit
de faire triompher la vérité.
Le président de la cour, Durkheim, est persuadé
que le procès ne nécessitera que 6 séances
pour arriver à sa conclusion. En fait, il durera de
janvier à avril 49.
Le PCF mobilise toutes les personnalités qu'il compte
du moment : anciens ministres (D'Astier, Cot), savants (Joliot-Curie),
universitaires (Bruhat, Bayet, Baby, Garaudy), écrivains
résistants (Cassou, Vercors). En face pour soutenir
Kravchenko, que des inconnus venus de toute l'Europe par des
annonces, Russes, Ukrainiens et rescapés des goulags.
Kravchenko est défendu par maître Izard ancien
député socialiste et résistant, ainsi
que par maître Heitzmann lui aussi résistant.
En fin stratège, il évite de se faire attaquer
sur le terrain de la sacro-sainte Résistance, au pouvoir
à l'époque. En face les 4 avocats de Claude
Morgan et d'André Wurmser : maîtres Matarasso,
Grugier, Blumel et Nordmann, eux aussi résistants,
mais communistes ou d'extrême gauche.
Le président Durkheim rappelle dignement que ce n'est
pas à l'offensé de démontrer qu'il n'est
pas un menteur mais à Messieurs Morgan et Wurmser d'en
faire la preuve. Argument qui ne gène nullement les
communistes qui commencent leurs attaques virulentes.
Mais Kravchenko intelligent et brillant orateur, sait user
de la parole. Il s'exprime en russe et un interprète
retranscrit son discours au public.
Les témoins des Lettres Françaises défilent.
Les communistes français font tout pour éviter
le débat de fond, il ne faut à aucun prix admettre
le totalitarisme soviétique décrit dans le livre.
Ils vont essayer de prouver que Kravchenko a trahi la cause
antifasciste et qu'il n'a pas écrit lui-même
son livre : le but est simple, déconsidérer
et décrédibiliser le plaignant. Si le livre
a été écrit simplement sur les conseils
du plaignant, cela ne prouve en rien la véracité
des faits. Tout au long du procès, le PCF déclenchera
une intense campagne de propagande contre Kravchenko. En avril
44 Kravchenko avait donné une interview au New York
Times ou il dénonçait que les libertés
fondamentales étaient bafouées en URSS. Or comme
le dit Louis Martin-Chauffier, l'URSS était en guerre
contre l'Allemagne nazie. Il accuse donc Victor «d'avoir
trahi non seulement son pays mais aussi tous les alliés
ensembles». Emmanuel d'Astier use du même argument
: si Kravchenko était à Alger au moment où
lui, d'Astier était commissaire à l'Intérieur,
il l'aurait fait arrêter «pour propagande à
l'avantage de l'ennemi».
«Il n'y a jamais eu de persécutions en URSS»,
proteste Jean Baby, enseignant le marxisme à Science-Po.
Il y a aussi les témoins envoyé par l'URSS pour
contrecarrer le dangereux Kravchenko. Le général
Rudenko, ancien chef de Kravchenko à Washington qui
déclare que Victor n'est qu'un déserteur et
un traître à sa patrie.
Un autre personnage marquant est envoyé d'URSS, il
s'agit de l'ex femme de Kravchenko, Zinaïda Gorlova.
Elle est accompagnée sans cesse par une petite femme
qui ne la lâche pas d'une semelle : La République
soviétique n'envoie pas ses concitoyens sans être
accompagnés d'un membre du NKVD pour leur sécurité
ou plutôt pour une surveillance rapprochée.Elle
raconte à la barre que son ex mari était un
mari indigne, violent, alcoolique, qui la battait et l'a contrainte
à avorter après la naissance de leur premier
enfant Valentin. Il les aurait abandonné sans un sou.
Kravchenko réplique : toute sa famille y compris Valentin
est en Russie, prise en otage, Zinaïda ne peut avoir
parlé librement. Il lui demande alors publiquement
où est mort son père Monsieur Gorlova. Elle
hésite et répond qu'il est mort d'une pneumonie
en 1938. Kravchenko crie au mensonge : son père est
mort déporté en camp pendant les purges. Mais
son ex femme refuse de l'avouer publiquement malgré
les demandes réitérés de Kravchenko.
Dans la salle on s'émeut, les communistes demandent
de le faire taire en vain. Quelques temps plus tard, au cours
d'un dîner offert par les Lettres Françaises,
Zinaïda Gorlova éclate en sanglots et avoue à
maître Nordmann que son père est bien mort déporté.
L'URSS alertée, la fait rapatrier en urgence le 22
février.
Puis viennent les témoins de Kravchenko. Ils racontent
et évoquent un à un leur arrestation, leur déportation,
leur vie dans des camps inhumains et les souffrances endurées.
Souvent d'ex-paysans russes ou ukrainiens, ils sont venus
de camps de réfugiés ou de lointains pays d'accueil
pour témoigner de l'horreur en termes simples. «La
propagande nazie continue», rétorque Maître
Nordmann, avocat des Lettres Françaises. Roger Garaudy
ajoute que Kravchenko devrait chercher des adeptes «dans
l'arrière-garde nazi».
Chacun reste sur ses positions. Mais le témoignage
à la barre d'une certaine Margaret Buber-Neumann sera
un véritable coup de théâtre. Belle fille
du philosophe Martin Buber et veuve de Heinz Neumann, un dirigeant
communiste, elle raconte son histoire étonnante : ayant
fui le nazisme avec son mari communiste en 1933, elle est
arrêté en URSS et envoyée au goulag en
Sibérie. Elle est ensuite libérée puis
livrée aux Allemands lors du pacte germano-soviétique
comme gage de bonne foi avec un groupe de communistes allemands.
Déportée à Ravensbrück elle put
s'échapper avant l'arrivée de l'Armée
rouge.
Maître Nordmann essaye de dissiper le profond malaise
inspiré par cette déposition en rappelant que
c'est l'Armée rouge qui a délivré les
femmes de Ravensbrück. Cette vieille dame diminuée
physiquement mais avec toutes ses facultés mentales
réplique aussi sec : «Heureusement je ne les avait
pas attendus. Je me suis enfuie. Les communistes du camp m'avaient
avertie que je serais renvoyée en Sibérie.»
Tout au long de sa déposition, elle décrit
les atroces conditions de vie dans les camps soviétiques
qu'elle va publier dans un livre en 1949. Un bon nombre d'intellectuels
français présents, vont avoir leurs convictions
ébranlés par un tel récit. Simone de
Beauvoir admet l'existence des camps de travail en URSS. Mais
beaucoup d'autres refusent encore la vérité
évidente. Peu importe, Kravchenko a fait mouche, il
a réussi.
Morgan et Wurmser sont condamnés à 150 000
francs de dommage et intérêt au bénéfice
de Kravchenko. C'est le triomphe de la vérité.
Mais l'URSS sort victorieuse de cette affaire.
Victor Kravchenko reprend son métier d'ingénieur
au Pérou, où il offre ses services et y fait
sa fortune. Il rentre ensuite aux USA et se met à boire
: il apprend que ses parents avaient été jetés
dans des camps. Son père y est mort et sa mère
est toujours détenue. Il se suicide le 24 février
1966, d'une balle dans la tête. Destin tragique et à
la fois paradoxal pour un homme qui a choisi la liberté.
Pour le PCF, l'affaire Kravchenko représente le premier
grand échec d'après guerre sur la réalité
soviétique. Bon nombre de communistes vont se trouver
ébranlés par ce livre. La mauvaise foi avec
laquelle le PCF a soutenu l'inexistence de camps en URSS,
alors que la vérité était évidente
au moment du procès, a choqué bon nombre de
sympathisants. L'idéal communiste français s'est
fissuré à l'issue de cette épreuve. Ce
n'est que le début d'une chute inexorable qui conduira
le PCF en dessous de la barre des 5 % aux européennes
de 99.
6 septembre 2002
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