Je propose ici un essai d'explication à la soudaine
expansion islamiste de 600 à 732, et au fait que cette
expansion fut guerrière et d'une violence inouïe.
Ce qui m'a donné l'idée de cette explication
est l'article paru dans "Pour la Science" numéro
250, d'Août 1998, intitulé "Le désert
du Yémen, une ancienne région humide".
Au départ, il y a la bien connue théorie des
cycles glaciaires de Milankovitch. Ce dernier était
un mathématicien serbe qui a conçu, vers 1925-1930,
une théorie des cycles des grandes glaciations terrestres,
dont la dernière en date s'est terminée vers
10 000 ans avant J.-C. Cette théorie magnifique
s'est révélée très fiable et n'a
pas pris une ride depuis sa création. En gros, elle
prévoit les cycles glaciaires longs d'après
la combinaison de trois phénomènes périodiques
: la variation de l'excentricité de l'orbite terrestre,
la précession des équinoxes (rotation lente
du grand axe de l'orbite terrestre par rapport aux équinoxes
terrestres, les lecteurs les plus anciens se souviendront
d'avoir transpiré sur le "point vernal" en fin d'études
secondaires, du temps où on y travaillait vraiment),
et variation de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre
par rapport au plan de l'écliptique.
La théorie de Milankovitch a reçu toute une
série d'éclatantes confirmations, sur lesquelles
je ne puis m'étendre ici. Une des plus extraordinaires
est la réussite des fouilles archéologiques
dans le sud de la péninsule arabique. Une des conséquences
de la théorie de Milankovitch est en effet que les
moussons annuelles qui prennent naissance vers Madagascar
et arrosent l'Ouest de l'Inde de mai à octobre passent
par des maxima et des minima d'intensité, avec toutes
les gradations intermédiaires, selon une loi complexe
qui conduit à une périodicité des extrema
d'environ 11 000 ans. Quand les moussons sont fortes,
elles passent les montagnes du Sud-Yémen et arrosent
toute la partie sud de l'Arabie jusqu'au Tropique du Cancer,
un espace grand comme au moins deux fois la France. Quand
elles sont faibles, elles sont arrêtées par ces
montagnes et n'arrosent que le sous-continent indien. Le dernier
maximum de ces moussons a eu lieu vers 5 000 ans avant
J.-C., le prochain aura lieu dans environ 4 500 ans (sauf
si les activités humaines changent gravement le climat
terrestre, ce qui est encore loin d'être prouvé).
Aujourd'hui, la région en question (que nous appellerons
ici "Yémen" pour simplifier, bien qu'elle comprenne
le Sud-Yémen, une partie du Yémen et une grande
partie de l'Arabie et des émirats) est un affreux désert,
bien plus aride que le Sahara.
Or, il y a 5 000 ans, c'était un jardin luxuriant,
avec réseau hydrographique naturel très dense
et abondant, nombreux grands lacs et végétation
exubérante. Une civilisation avait donc tout naturellement
vu le jour là. Suite aux théories de Milankovitch,
des fouilles archéologiques furent entreprises par
l'archéologue allemand Bhurckhart Vogt, et elles furent
récemment couronnées de succès. La moisson
fut infiniment plus riche que celle recueillie au Sahara.
On reconstitua le réseau hydrographique complet, on
retrouva les lits des grands lacs, et surtout on exhuma des
villes et des digues anciennes, dont nous allons voir l'explication.
La ville de Ma'rib comptait, il y a 7 000 ans, plus de
50 000 habitants et comprenait des monuments remarquables,
notamment des temples. Des photos saisissantes de cette ville
exhumée sont reproduites dans l'article cité
ci-dessus.
Nul doute que le mythe du pays de Saba et de "l'Arabie heureuse"
n'est autre que le souvenir atavique, inscrit dans les gènes
des populations ayant des racines dans cette région,
de cette période humide de son histoire. La civilisation
qui a vécu là était sédentaire
et agricole.
Vers 2000 avant J.-C., les moussons faiblissaient depuis
assez longtemps déjà et le réseau hydrographique
commençait à péricliter. Alors les habitants
du Yémen, pour faire face, construisirent un peu partout
des digues pour retenir les eaux des pluies qui tombaient
encore et continuer leur brillante civilisation et leur agriculture.
Une des plus grandioses de ces digues fut celle de Ma'rib
: 680 mètres de large ! Il en reste aujourd'hui d'imposants
vestiges dont une photo est reproduite dans l'article. Les
eaux retenues par cette digue permettaient, par des systèmes
d'écluses et de canaux d'irrigation très perfectionnés,
de cultiver plus de 20 000 hectares !
Ces digues furent agrandies et perfectionnées au fur
et à mesure que les pluies se raréfiaient. Tout
de même elles permirent à cette civilisation
de tenir le coup 2 000 ans de plus, et d'arriver à
l'époque de J.-C. Mais le désert avançait
inexorablement et, malgré les digues et ingénieux
systèmes d'irrigation, la civilisation yéménite
s'étiola rapidement en même temps que les rivières
se tarissaient et que les lacs s'évaporaient.
La crise fut consommée précisément en
580 de notre ère, avec la décision, qui entérinait
la victoire du désert, de démolir la digue de
Ma'rib (ainsi que d'autres), pour ne plus avoir à assumer
son entretien dispendieux et monumental. Les ruines grandioses
qui nous en restent sont rescapées de cette démolition.
Or, 580, c'est très précisément le début
de l'Hégire, cette retraite volontaire de Mahomet,
d'où devaient sortir le Coran et la vague de conquête
guerrière islamiste.
A partir d'ici, je ne fais plus des rappels d'Histoire, je
livre simplement ma propre réflexion. Nul doute que
Mahomet avait beaucoup réfléchi sur son époque
et sur son peuple. Il est bien connu qu'il eut à lutter
durement contre l'ordre établi ancien de La Mecque
pour le renverser et imposer son Coran. Il avait, inscrit
dans ses gènes, tout le passé glorieux de l'Arabie
heureuse, et devait souffrir le martyre de voir l'avancée
du désert l'anéantir. Il a donc conçu
une armature idéologique pour fuir ce désert,
abandonner le pays de cocagne déchu et rechercher à
la pointe des cimeterres d'autres territoires plus cléments,
plus verdoyants. La poussée islamiste de 600-732 est
une ruée vers la verdure, d'abord de la fertile bande
côtière du Maghreb, puis de l'Espagne et enfin
de la France. Depuis J.-C., on connaît bien l'histoire
du climat de notre Europe (voir par exemple, "L'histoire du
climat depuis l'an mil" de E. Leroy-Ladurie) et on sait que
de César à Charlemagne, l'Europe de l'Ouest
et la France furent particulièrement verdoyantes. L'Espagne,
pendant cette période, était notablement plus
arrosée qu'aujourd'hui.
J'en déduis qu'avant d'être une guerre de religion,
la poussée de l'Islam fut une guerre de conquête
de territoires en remplacement de ceux que la désertification
venait de soustraire à tout un peuple qui avait un
passé brillant et matériellement riche. La bataille
de Poitiers fut une bataille pour la verdure, entre ceux qui
la possédaient et ceux qui la convoitaient et voulaient
donc se l'approprier en en chassant ou en exterminant les
premiers. La victoire de Charles Martel n'est à mes
yeux que la victoire des premiers sur les seconds.
Voilà pourquoi l'islam est une religion essentiellement
guerrière qui recommande à tout bout de champ
d'occire les "infidèles".
La morale de mon essai, c'est qu'il est tout de même
préoccupant que la religion islamiste n'ait jamais
procédé à un aggiornamento depuis son
avènement. La forme du combat a peut-être changé,
mais le fond a-t-il changé ?
Si Guillaume Faye m'a lu, qu'il me fasse part de sa réaction.
|