J'achève en ce moment la lecture de « La
conquête du Fitz Roy », écrit en 1952
par l'alpiniste Azéma (Flammarion).
Je me reconnais dans cette France-là. Avec le recul
de 50 ans, on est saisi par l'évolution incroyable
de notre pauvre société française depuis
lors.
D'abord, le livre est superbement bien écrit. Je défie
quiconque de le lire sans ouvrir une seule fois le dictionnaire
(un exemple parmi d'autres, dont je n'ai pas honte : j'y ai
appris le mot « céruléen », l'auteur
parlant à un moment des « transparences céruléennes
du glacier ». Je croyais jusqu'ici que le mot n'existait
qu'en latin).
Sur la première de couverture, l'éditeur présente
la collection où s'insère le livre. Présentation
sobre et claire, centrée sur les « exaltants
exemples de courage que nous donnent ces amoureux de l'aventure
résolus à forcer le destin ».
Sur la quatrième de couverture, un bref résumé
du livre, centré sur « les extraordinaires
difficultés qu'ont dû vaincre les deux vainqueurs
du sommet, Lionnel Terray et Guido Magnone, obligés
de creuser par -20 degrés des grottes dans la glace
pour établir leurs campements intermédiaires ».
Le Fitz Roy, 3440 mètres d'altitude en Patagonie,
mais dominant presque à pic les plaines environnantes,
très basses et très plates : une effrayante
escalade dans le vertical absolu sur plus de 1600 m de dénivelé,
au-dessus de glaciers d'une puissance inimaginable, un sommet
abrupt de tous côtés battu par des vents d'ouest
de force titanesque, sous lesquels on ne peut pas marcher
debout, mais seulement en se penchant à 45 degrés
et en plantant un piolet pour ne pas tomber. Les deux héros
ont réussi un itinéraire d'un vertigineux aérien
inégalé et inégalable, obligés
de prendre des risques à couper le souffle.
Un exemple : pour forcer la muraille de départ au-dessus
du glacier, à un moment l'escalade artificielle ne
marche plus, aucun piton ne pouvant plus être planté.
Alors Guido Magnone dit à Lionnel Terray : « Tiens
bien, je pars en libre ». Il escalade une longueur de
corde sur des fissures minuscules dans la paroi verticale.
Il arrive à un surplomb au-dessus duquel on espère
une bonne vire. Il coince son pied gauche et sa main gauche
dans la fissure. L'épaule gauche est comprimée
sous le surplomb. Et là, Guido Magnone tente le tout
pour le tout : il explore l'arrondi du surplomb avec la main
droite, en aveugle ; l'arrondi est désespéréméent
lisse, le pied et la main gauche donnent des signes de faiblesse,
entament une amorce de glissement... Une fissure se révèle
sous les doigts de la main droite... Guido Magnone redescend
cette main droite une première fois pour chercher un
piton, le loge (toujours en aveugle) dans la fissure (en espérant
qu'elle sera solide), puis redescend sa main droite une seconde
fois, pour chercher le marteau... Catastrophe : le marteau
se bloque dans son logement... Guido Magnone crie à
Lionnel Terray : « Cette fois-ci, je suis cuit »...
Et le marteau se débloque... Vite, vite, le marteau
est levé pour planter le piton.. Mais en aveugle, commence
par frapper la roche, où est-il déjà,
ce satané piton ? Ah ! Enfin... Le pied gauche a déjà
glissé d'au moins 10 cm, mais le piton sonne clair,
il tiendra un boeuf... Une troisième fois, la main
droite redescend, cette fois pour remonter un mousqueton dans
le piton et y faire coulisser la corde... Horreur, le mousqueton
se coince (on est largement au-dessous de zéro degré
!), l'épaule et la main gauche n'en peuvent plus, vont
lâcher sans prévenir... Mais non, le Bon Dieu
ne veut pas encore de Magnone, finalement le mousqueton se
dégrippe sans qu'on sache pourquoi, la corde est passée
dans le mousqueton, au moment précis où tous
les muscles gauches tétanisés de Magnone ne
répondaient plus... Et ce ne sont là que les
premiers cent mètres d'une escalade de 1600 mètres
! Je ne vous dis pas la suite de cet exploit qui fut une première,
et qui n'a guère suscité d'émules depuis
50 ans.
La paroi ne fut vaincue qu'in extremis, vers la fin janvier
1951, la limite extrême des possibilités d'y
grimper se situant au 12 février pour des raisons climatiques.
Vers le 25 janvier, l'expédition commençait
à faire grise mine, une vague de mauvais temps abominable
ayant tout retardé. L'auteur explique : « Nous
ne pouvions pas accepter cet échec : l'EXPEDITION FRANÇAISE
NE POUVAIT PAS, NE DEVAIT PAS ECHOUER, L'HONNEUR DE LA FRANCE
ETAIT EN JEU ».
De nos jours, une telle phrase serait certainement refusée
par l'éditeur, par crainte de poursuites du MRAP !
Mais de nos jours, qui donc, en France, songe à vaincre
le Fitz Roy pour simplement ajouter un exploit à la
fierté française ? Au train où ça
va, l'escalade, sport personnel s'il en fut, terriblement
exigeant à tous points de vue, physique, moral, hygiène
de vie, exaltant le courage et le désintéressement
absolus, serait très mal vue, et pourquoi pas, interdite
comme sport « individualiste, pétainiste,
fasciste et nazi »...
Pétainiste, justement... En 1951, on sortait à
peine de la terrible épreuve de la Défaite.
La Révolution Nationale avait dit et redit aux Français
que l'origine de cette défaite était d'abord
en eux-mêmes (« [...] on a revendiqué
plus qu'on n'a servi. On a voulu épargner l'effort
; on rencontre aujourd'hui le malheur [...] »). L'intermède
de Vichy a suscité par lui-même l'esprit de résistance
qui devait le balayer quatre ans plus tard, mais il avait
semé des graines durables dans la population. Il nous
a produit cette France des années 45-60, cette France
de la Quatrième, qui devait miraculeusement renaître
de ses cendres contre tout pronostic, une France à
la natalité vigoureuse, avec un appétit de vivre
incroyable, des jeunes Français qui ont sillonné
le monde avec des deux chevaux (col de Chatalcayo en 2CV dans
les Andes : 5642 m d'altitude !). Cette France qui avait surmonté
(au prix hélas de quelques sales dérapages oeuvre
des communistes) la mauvaise crise de la Libération
et voulait enfin oublier tout ce mauvais cauchemar, cette
France où on se mariait avant 25 ans et où on
avait tout de suite un ou deux marmots, cette France qui a
reconstruit ses réseaux d'électricité,
installé des barrages sur toutes nos montagnes, et
produit une génération inépuisable de
personnalités fortes du genre Lionnel Terray, Marielle
Goitschell ou Eric Tabarly... Pendant que la science française
relevait magnifiquement la tête....
Oui, avec le recul, on se dit que cette renaissance a commencé
dans les coeurs français, pendant ces années
sombres. La Victoire de 1914-18 nous avait épuisés
et génocidés, la Défaite de juin 40 (qu'on
ne me parle surtout pas de victoire française pour
cette WW II) a préparé une renaissance française.
Alors pourquoi tout cet espoir s'est-il évaporé
? Pourquoi le malheur est-il de nouveau là, autour
de nous, devant nous, partout ? Il est revenu sur la pointe
des pieds, sans qu'on le voie arriver, on ne sait plus au
juste quand... Mais maintenant il est là, on a 15 000
voitures qui brûlent chaque année, des émeutes
raciales quotidiennes (je les appelle par leur nom), des gouvernants
dont la seule vue à la tv nous remplit de rage et de
désespoir, et qui passent leur temps à mentir
même sur les choses les plus graves (voyez les trains
qui déraillent, ou Toulouse), des impôts qui
empêchent de vivre une vie normale, une « justice »
qui nous piétine cyniquement, aucune perspective, une
jeunesse qui se drogue et qui ne veut plus d'enfants, qui
n'espère rien, qui n'a d'autre horizon que la défonce
dans ces sordides rave-parties ou la joie mauvaise du socialisme
qui vous permet de supporter votre misère grâce
à la pensée que les autres l'endurent autant
que vous...
Oui, comment tout cela est-il revenu, et pourquoi ?
Jusqu'où faudra-t-il à nouveau descendre pour
qu'un sursaut salvateur nous en sorte ? Et puis, un sursaut
comme celui qui a incubé entre 1940 et 1945 est-il
encore possible ?
Bien sûr j'ai quelques idées de réponses
partielles. Mais partielles seulement. Par exemple, le fait
que les communistes ont introduit des virus insidieux dans
notre corps social dès 1945, qui n'ont commencé
à devenir actifs que trente ans plus tard, vers le
début des années 70. Avant cette date, l'élan
de renaissance était trop fort et les contenait, donc
on ne s'apercevait de rien. Mais après, ils ont fait
leur chemin et exercé leurs ravages terribles. Cependant
ce ne doit pas être là l'unique raison. Il y
a forcément autre chose. Mais quoi ?
Je reviens sur le livre « La conquête du
Fitz Roy ». Dans le chapitre : « avancées »,
je lis une méditation de l'auteur sur les Indiens Tehueltes.
Azéma les décrit comme de grands et beaux hommes,
extrêmement chaleureux, et qui leur ont rendu d'inestimables
services, dans un désintéressement total. En
lisant la suite, je me suis demandé comment les autorités
du MRAP, LICRA et consorts laissent circuler ce genre d'ouvrage.
En effet, Azéma explique : « Hélas,
cette race magnifique s'éteint. Pourquoi ? Le métissage
surtout, mais aussi l'alcool et la tuberculose. Cette race
va disparaître, et c'est un crime, hélas, de
ce qu'on appelle "le progrès" [...] ».
Bien entendu, tout rapprochement avec la situation actuelle
(l'éventail des drogues s'étant beaucoup enrichi
depuis ces époques arriérées où
l'on n'avait rien d'autre que l'eau-de-feu) ne saurait être
que le fruit vénéneux d'un mauvais esprit. D'ailleurs,
les races n'existent pas. Si les mauvais esprits voient des
races qui disparaissent, c'est qu'ils n'ont pas compris que
les races n'existent pas, donc ne peuvent pas disparaître
puisque quelque chose qui n'existe pas ne peut pas disparaître...
Par syllogisme, on en déduit que la race française
n'existe pas. Dommage qu'Azéma n'existe plus lui non
plus, il aurait sûrement revu sa copie... Ne serait-ce
que pour pouvoir passer l'obstacle de la Censure...
Telles sont les réflexions douce-amères inspirées
de cette lecture...
Au fait, j'ai trouvé le livre pour 1 euro dans un
vide-grenier. Lui non plus ne doit plus exister chez aucun
libraire... Nos jeunes n'en ont pas besoin, ils ne savent
pas ce qu'est le Fitz Roy, ne sauraient pas placer la Patagonie
sur une carte, et ne savent pas que là-bas, janvier
c'est l'été, l'équivalent de juillet
pour la terre de France !
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