Je me
permets ici de rendre hommage à nos morts de 14-18.
Ils ont été 8 millions à être
mobilisés. Un sur cinq y est resté. Parmi les
survivants, un sur quatre est revenu grand invalide et/ou
mutilé.
A la Chambre, juste après la victoire, on a entendu
cet hommage officiel : «ILS ONT DES DROITS SUR NOUS».
Les beaux esprits écartent ce souvenir d'un air agacé.
A les en croire, la guerre de 14-18, stupide bien sûr,
est dépassée, ce serait presque un manque de
savoir-vivre d'en rappeler le tragique suranné.
Eh bien ces beaux esprits n'en sont pas ! Le passé
est impossible à changer, on ne peut qu'en prendre
acte. Alors moi, tous ces hommes unanimes qui sont allés
défendre la Nation pour reprendre l'Alsace-Lorraine,
pas de discours ! Je m'incline avec respect, et je remercie
en moi-même. C'est grâce à eux que je suis
là, que je suis né dans un pays fabuleux qui
s'appelle la France, et que je suis ce que je suis, tout simplement.
Quand l'instituteur m'a appris la signification de la flamme
sous l'arc de triomphe, à l'école primaire,
elle s'est aussitôt allumée dans mon coeur, et
elle ne s'éteindra qu'avec moi.
Ce fut la guerre la plus atroce de tous les temps. Notre
jeunesse n'a aucune idée des souffrances des Poilus,
du patriotisme des officiers, qui mouraient les premiers dans
les assauts, pour donner l'exemple.
Allez rue d'Ulm, à l'Ecole Normale Supérieure,
dans le hall d'entrée, et regardez bien la promotion
1915, en haut du mur de gauche en entrant. La promotion de
Péguy... comptez les noms.... et après ça,
dites vous bien que c'est LA MOITIE de cette promotion qui
a donné sa vie pour la France ! Qu'ils y pensent, ceux
qui affichent parfois leur défiance envers les intellectuels...
Pour les grandes causes, eux aussi savent être Français
!
A la saison des pluies, automne et hiver, les Poilus restaient
dans des trous à rats pendant des semaines et même
des mois, sous terre; l'eau rentrait et il fallait surélever
les paillasses pour pouvoir dormir hors d'eau. Les rats disputaient
les restes de nourriture. Dehors, c'était l'hiver et
c'était les obus, les balles aveugles et miaulantes,
n'importe où, n'importe quand, sur n'importe qui...
Les Poilus avaient appris à ne plus y faire attention.
Savez-vous que les lettres que ces héros ont écrit
à leurs parents, ou à leur femme ou à
leur fiancée, depuis ces cloaques innommables, mises
ensemble, forment un des plus beaux fleurons de notre littérature
française ? combien de ces lettres, pieusement archivées
au Ministère des armées ou conservées
par les familles, ont-elles été écrites
quelques heures à peine avant de mourir... sans savoir
que l'échéance était si proche...
Je suis le premier à savoir que ces sacrifices étaient
idiots quelque part... Mais je sais bien aussi que non. C'est.
C'est notre histoire. Si j'admets que c'est idiot, je tue
une deuxième fois mes deux oncles qui dorment à
Verdun, et dont la photo a accompagné ma grand'mère
dans la tombe, en 1967.
Mes deux oncles s'étaient engagés. Entre 1914
et 1918, un grand nombre de jeunes gens ont devancé
l'appel et se sont engagés par seul patriotisme. Ils
n'avaient pas dix-huit ans. le plus jeune de mes deux oncles
s'appelait Jacques et avait dix-sept ans huit mois quand il
est tombé, dans un assaut sur Fort Douaumont, a-t-on
dit à sa mère...
Alors salut à tous nos morts, et vive la France !
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